🌄 Retour d'Expérience dans "La Part des Anges", une envolée à l'aiguille d'Argentière
- Quentin Jurie Des Camiers

- 3 juil.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 juil.
🧗♂️ Envolée au sommet de l’Aiguille d’Argentière par l'une des voies les plus verticales, La part des Anges
Il est des courses qui marquent. Non pas pour leur difficulté pure, mais pour ce qu’elles réveillent : la soif d’engagement, la force d’une cordée, la beauté brute d’un itinéraire. La Part des Anges fait partie de celles-là.
✨ Un bivouac, un orage, un coucher de soleil
Tout commence à l’aube, un samedi, au rythme métallique de la première benne pour Lognan. Avec Baptiste, on s’échappe de la vallée, les yeux encore mi-clos, le cœur déjà en altitude. Direction l’Aiguille d’Argentière. La traversée du glacier se fait en silence.

Le refuge est notre premier arrêt : on vient glaner des infos. Le gardien nous glisse que La Part des Anges a été gravie la veille par Arthur Poindefert. Signe du destin ou simple coup de pouce ? On sourit. L’envie est là. On est au bon endroit, au bon moment.

Pour s'habituer à l'environnement, on file dans Doux Refuge, une ligne voisine, sculptée dans un granit compact. Sept longueurs, TD+, une grimpette en mode light, histoire de réveiller le corps et de caler les automatismes. En toile de fond : les Droites, la Verte, les Courtes. C’est beau à pleurer.

On plante la tente vers 3 000 mètres, sur un replat idéal. Mais l’orage s’invite. Grêle, pluie, tension dans la toile qui claque. Le bivouac prend des airs de défi. Et puis… le silence revient. On sort la tête. Le ciel s’enflamme. Un coucher de soleil irisé embrase le bassin d’Argentière. La montagne se tait, et nous avec elle.

Sous la tente, on cherche à affiner notre stratégie. Je parviens à récupérer le numéro d’Arthur Poindefert, et il me partage quelques infos précieuses sur les conditions de la voie. Ces quelques SMS, tombés du ciel, nous rassurent et nous regonflent. L’itinéraire est en conditions, et on sait à quoi s’attendre.

🧗♂️ L’approche, le doute, l’appel du pilier
Réveil à 5 h, départ à 5 h 45. Pentes de neige raides, crampons aux pieds, piolets en main. Après une petite heure, nous voilà au pied des difficultés, à la base du couloir en Y.
Là, Baptiste connaît un moment de malaise. Pas de panique, mais un vrai inconfort physique. On s’arrête, on discute. Faut-il s’engager dans une telle ligne avec une forme incertaine ? Le doute s’installe. On temporise. Puis on avance, prudemment.
Le rocher devient pourri, délité, sableux. Je me prends une pierre. L’agacement monte, il s'agit des quelques rares moments ou on se questionne de ce qu'on fait ici et si ça en vaut la peine. On est loin du confort d’une grande voie estivale. Ici, c’est la montagne dans ce qu’elle a de plus vrai.
8 h. On lève les yeux. Le pilier de La Part des Anges nous ouvre ses bras. Enfin du rocher compact... Élancé, fin, vertical. Il nous appelle. les doutes s'effacent et l'excitation reviens.
💥 Escalade soutenue, verticalité absolue
Les six premières longueurs s’enchaînent en réversible. Le rocher est exceptionnel. Peu d’équipement, mais des relais chaînés. Le granit offre ses lignes, à nous de poser les protections. Dès le 6b, on hisse un sac pour garder le second léger. Ça déroule bien.


Puis viennent les longueurs dures : 7a, 7a+, 7b. Baptiste ouvre avec brio. Une chute dans le crux, rien de grave, c'est bien protégé. Je passe en second, en apnée par passage. La grimpe est physique, mais propre. L’altitude commence à peser.


La dernière longueur me revient : 6a+, la longueur la plus facile sur le papier mais en rocher douteux. Je suis rincé, mais je m’accroche. Trente, quarante, peut-être cinquante minutes d’errance, de recherche d'itinéraire et de lutte pour sortir au sommet.
🏔️ Un sommet, un souffle, un retour aux ombres
17 h 30, 3900m. Sommet de la part des Anges et de l'aiguille d'Argentière. Le silence, encore. Devant nous : la Verte, les Jorasses, la Dent du Géant, les Courtes, les Droites. Un amphithéâtre de pierre et de glace. On ne dit rien. On regarde.

La descente est un monde en soi. Dix rappels, techniques, parfois pendulaires, ou en fil d'araignée.

Puis une désescalade en solo, sur du terrain montagneux qui demande beaucoup d'attention. On retrouve le bivouac, on plie en hâte. La nuit tombe. Descente à la frontale. Au pas de course, à minuit on passe la moraine, on trouve un carré d'herbe et, enfin, on fait notre première pause de la journée, on s'étale dans l'herbe. L'air froid du glacier disparait et laisse place aux douces chaleurs de l'été, on regarde le ciel étoilé un sourire accroché aux lèvres. L'esprit libre, sans doute pesant quant à notre retour dans la vallée.
Arrivée à Chamonix à 2h. Annecy à 3 h 30. Rôtis. Vides. Vivants.

💬 Ce qu’il en reste
La Part des Anges, ce n’est pas qu’une voie. C’est un voyage. Une ligne à gravir autant qu’à vivre. Une leçon de grimpe, une leçon d’humilité. Et un souvenir gravé pour toujours.
Merci Baptiste. Pour la confiance, pour l’élan, pour cette si belle course. 🙏



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